Hommage à L'Atalante (1990), un film de Jean Vigo

Heureuse vie, à bord de L'Atalante !

1990 – Histoire d’une restauration par Jean-Louis BOMPOINT (partie2)

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HISTOIRE D’UNE RESTAURATION ( seconde partie)
par Jean-Louis Bompoint

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Retrouvez la partie 1 ici.

COMMENT UNE PENICHE ARRIVE À TRAVERSER LA MANCHE…

Le travail avançait de manière satisfaisante, mais avec Pierre PHILIPPE, nous constations avec un peu d’amertume que ne nous ne réussirions pas à reconstituer le film dans son intégralité: beaucoup de plans et de sons manquaient encore à l’appel. Cette défection devenait de plus en plus cruelle lorsqu’il nous manquait une vingtaine d’images ou une bribe de phrase pour restaurer tel ou tel plan. Inlassablement nous relisions nos notes, cherchions encore la bobine introuvable, le plan mythique où Michel SIMON enfonce une cigarette dans son nombril (nous avions l’image, mais toujours pas le son !)… En vain.

Je relus pour la énième fois l’ouvrage de P.E SALES GOMES entre les lignes afin de trouver une solution à notre problème, lorsque mes yeux s’illuminèrent à la page 215 de la nouvelle édition:

Il ne nous a pas été donné de suivre le travail d’exécution technique de la nouvelle version réalisée par les soins de la Cinémathèque Française, mais en voyant le résultat final, on constate qu’il ne manque pas d’intérêt.

Toutefois, quand on a déclaré à la presse Parisienne, à l’occasion du Festival d’Antibes en 1950, ou au congrès de la Fédération Internationale des Archives du Film, à Cambridge en 1951, que la version originale de l’Atalante avait été reconstituée, il s’agissait comme à Bruxelles en 1934, d’une exagération.

En tous cas, bien qu’une reconstitution de la version originale soit désormais difficile, un progrès a été réalisé et d’autres sont toujours possibles.

Déjà, le fait qu’il existait à Londres dès 1934, une copie du film conservant le titre original, remplit d’espoir les admirateurs de Jean VIGO. L’oeuvre de VIGO arriva en Angleterre dès 1934, avec la projection à peu près simultanée, à Londres – en automne de cette année- de l’Atalante dans un cinéma commercial et de ZÉRO DE CONDUITE dans un ciné-club. (…) Il n’y est pas question de CHALAND QUI PASSE, mais bien d’ATALANTE comme titre. Peut être GAUMONT, doutant des charmes de la chanson de BIXIO sur le public Anglais, avait-il décidé de lui envoyer la version du Palais Rochechouart.

(IN: « Jean VIGO » par P.E SALES GOMES – Editions Ramsay Poche Cinéma).

– « N’y pensez pas ! », me dit Pierre PHILIPPE, « Cette copie doit être morte et enterrée depuis belle lurette… ». Cependant je n’étais pas convaincu et l’idée de cette copie existant peut être, allait jusqu’à troubler mon sommeil… Imaginons un seul instant que nous finissions notre restauration comme convenu et qu’une copie impeccable du film nous nargue de sa perfection dans les brumes Londoniennes, depuis 1934. Ce serait trop bête!

C’est en ces termes que je réussis à convaincre Michel SCHMIDT de m’envoyer à Londres afin de mener une petite enquête auprès des NATIONAL FILM ARCHIVES et du BRITISH FILM INSTITUTE. Pierre PHILIPPE ne pouvant pas m’accompagner, il préparait à l’époque un magazine télévisé avec Christine OCKRENT, je m’envolais donc seul pour l’Angleterre le 2O février 1990.

On ne peut pas dire qu’arrivé aux superbes locaux du BFI de Berkhamsted, l’accueil soit particulièrement chaleureux de la part de ses occupants. « Nous n’aimons pas beaucoup divulguer nos secrets, ici », me dit on clairement pendant que l’on m’enfilait blouse et gants blancs, uniforme obligatoire des lieux.

Muni d’un laisser passer spécial, on m’adjoint un chaperon: Peter FAIRBROTHER, afin qu’il surveille mes faits et gestes dans la maison. Peter était rentré au BFI parhasard et n’entendait rien au cinéma. Il venait en fait du nord de l’Angleterre où il s’occupait des chevaux qui tiraient les chariots de charbon dans les mines. Ayant perdu son emploi à la fermeture définitive des mines, le gouvernement l’avait replacé au service de vérification du BFI. Nous sympathisâmes immédiatement. Il trouvait complètement idiot qu’un Français traverse la Manche pour partir à la recherche de vieux bouts de pellicule et cela l’amusait énormément de me voir pester à la vision d’horribles copies de l’Atalante que David PETERSON et Kevin PATTON avaient sélectionné pour moi.

J’examinais diverses versions (dont certaines étaient sous-titrées) de 1944, 1945, 1946, mais ne trouvais toujours pas mon oiseau rare et commençais à me dire que Pierre PHILIPPE n’avait pas tort. Dans un dernier sursaut, je dis à Peter qu’il me fallait retrouver cette copie de 1934. D’un air entendu et le doigt sur sa bouche, m’invitant à la plus totale discrétion, il m’emmena dans une chambre froide située au sous sol de l’établissement et me dit devant la porte blindée qui était fermée: -« Il faut que tu demandes à ce que l’on t’emmène là-dedans, c’est plein de vieux trucs dans des boîtes toutes rouillées qui explosent de temps en temps, je parie que ce que tu cherches est dans ce bazar… Mais ne dis pas que c’est moi qui te l’ai dit… ».

Fort de ce conseil, je demande à Tony SCOTT, Préservation Officer du BFI, de visiter cette caverne d’Ali-Baba… Après un mouvement de surprise, l’autorisation fut accordée et j’entrais dans le Saint des Saints du BFI. Après une demi-heure de recherches, Peter, qui m’avait accompagné et commençait à se piquer au jeu me dit: – « Hey, Man ! I’ve got an ATALANTE… Eight rolls ! Number is… 1957 H ». Vu le numéro et pensant qu’il s’agissait de l’année de tirage, je mis les huit boîtes rouillées de côté et invitait Peter à reprendre nos recherches. A la fin de la matinée nous n’avions rien retrouvé de supplémentaire et remontions avec les huit bobines de la copie #1957 H.

Nous ouvrons les boîtes avec précaution et regardons à l’intérieur les fiches qui dataient du temps où John GRIERSON dirigeait encore le BFI. Apparemment, ces bobines n’avaient pas été visionnées depuis 1940… Fébrilement je déroulais quelques mètres de pellicule: c’était du film nitrate, donc de fabrication antérieure à 1952, date de l’apparition du support ininflammable. Puis, je tâchais de rechercher entre le bord du film et les perforations, les petits signes cabalistiques instaurés par George EASTMAN, qui indiquent l’année de fabrication de l’émulsion. Enfin je peux voir un « plus » et un « point noir » inscrits côte à côte…

– « 1934! My dear one ! », s’esclaffa Peter avec un large sourire. Cette fois ci, l’émotion était grande, toutes les personnes qui étaient autour de nous commencèrent à se rapprocher du trésor repêché et David PETERSON vint nous rejoindre. Après examen des bobines, il nous déclara sa stupéfaction dans la mesure où cette copie #1957 H n’avait jamais été répertoriée dans les fichiers du BFI.

Quelques minutes plus tard, alors que nous visionnions la première bobine sur une table de montage acceptant le film flamme, je poussais un cri de joie: la copie hypothétique envoyée à Londres en 1934 et évoquée par SALES GOMES était retrouvée ! Je faxais immédiatement à Paris: Londres le: 22/02/90 Le voyage n’aura pas été inutile. Je viens de mettre la main sur une copie de l’Atalante en quasi parfait état datant de 1934 !

Si le BFI accepte (mais cela n’a pas l’air facile) , de nous prêter le matériel, nous allons pouvoir, avec les éléments que nous avons, reconstituer le montage voulu par VIGO à 98%.

Vu l’importance de la découverte, cela va changer radicalement notre plan de travail. Si je puis me permettre une opinion, le mieux serait que vous obteniez du BFI, l’autorisation de rapatrier cette copie immédiatement et que nous fassions tirer un négatif (image & son) afin d’avoir un master en film de sécurité. A présent, nous ne pouvons continuer la restauration de l’Atalante si nous n’obtenons pas cette copie (…) Cela, David PETERSON l’avait bien compris, l’honneur du BFI était en jeu.

– « Quand je pense… », me dit-il, « …Que lorsque nous projetions l’Atalante pour des manifestations de prestige, nous demandions à GAUMONT de nous envoyer leur meilleure copie et que nous ne savions pas que ces bobines étaient là, j’en suis malade !.. ».

Informé de la découverte, Tony SCOTT arriva sur les lieux et me déclara qu’il était formellement interdit par la loi Britannique de sortir un quelconque élément cinématographique appartenant au BFI. Je me récriais, ces bobines n’appartenaient pas au BFI mais bel et bien à GAUMONT ! – « Cela, il faudrait arriver à le prouver Monsieur BOMPOINT… » me dit SCOTT d’un air narquois. Je tentais d’expliquer la supposition de SALES GOMES qui m’avait donné l’idée d’aller visiter le BFI, rien n’y fit. Le film ne sortirait pas d’ici.

Il me vint alors une idée. Je savais que les débuts et les fins de bobines de 300 mètres d’un film en exploitation commerciale étaient à l’époque marqués par un poinçon gaufré aux armes de la maison de production. Je pris l’une des huit bobines au hasard, vérifia, puis invitai Tony SCOTT à venir constater de visu, à travers une loupe, que les poinçons étaient bien présents, marqués aux initiales de la GAUMONT FRANCO FILM AUBERT.

Le rapatriement du film à la maison mère ne faisait désormais plus de doute. – « OK ! You win. », me dit Tony SCOTT fair-play.

A nouveau je faxais chez GAUMONT: Londres, le: 23/02/90 Je viens d’examiner la copie #1957 H très attentivement. Il s’agit d’une copie poinçonnée aux armes de la GFFA qui est très vraisemblablement le tout premier montage de Louis CHAVANCE . Cette copie contient un grand nombre de plans étonnants et inédits. Curieusement, le plan d’avion n’est pas inclus dans cette version. La qualité de l’image est excellente; quant au son, c’est le meilleur que je n’ai jamais entendu. Cependant, il y a quelques coupes image/son dans quelques plans. Par bonheur nous avons à Paris ces plans en parfait état. Il y a quelques rayures aussi…

C’est donc avec cette copie 1957 H, plus nos inédits de la Cinémathèque Française que nous allons pouvoir reconstituer une version quasi-intégrale de l’Atalante. (…) Est-ce que Monsieur SCHMIDT pourrait appeler officiellement le BFI pour régler les problèmes de douane. Ici , les Anglais sont très sceptiques sur le fait de pouvoir sortir 8 bobines de 300 mètres de film flamme sans problèmes importants. De plus, ils ont des problèmes de conditionnement. Je leur ai bien parlé des boîtes étanches en plastique comme nous en avons aux Archives du film, mais ils ne connaissent pas ce système. (…) Le BFI va faire tirer lundi un élément de sécurité de la copie nitrate. C’est seulement après ce tirage que nous pourrons jouir de l’original. (…)

Je restais à Londres quelques jours supplémentaires. GAUMONT avait décidé que je revienne avec un négatif combiné de sécurité, tiré par les soins des laboratoires du BFI, d’où nous obtiendrons un positif à Paris afin qu’il nous serve de copie travail pour la restauration finale. Cette copie travail montée, sera conformée avec les autres éléments en notre possession et le nouveau négatif de la copie #1957 H. Seul l’original nitrate positif voyagera par transporteur spécial afin d’établir un nouveau négatif pour GAUMONT et un transfert digital du son optique original pour le STUDIO RAMSES afin d’être restauré.

Je visitais également le département photographique des NATIONAL FILM ARCHIVES et ramenais à Paris quelques photographies du tournage de L’ATALANTE que nous n’avions plus en France. Pendant que les opérations de laboratoire se déroulaient dans les locaux du BFI à Berkhamsted, j’eus la surprise de rencontrer Michelle AUBERT, Directrice des ARCHIVES DU FILM de Bois d’Arcy et Jean-Pierre NEYRAC qui assistaient à un congrès sur la conservation des films anciens. Tous deux me promirent leur soutien complet pour la remise à flots de l’Atalante.

Je rentrais à Paris, heureux, les bobines sous le bras.

L’ATALANTE FAIT PEAU NEUVE

À présent, nous avions tous les éléments pour travailler physiquement sur la restauration du film. Je commençais à tailler gaillardement dans la pellicule et dans les sons, aidé pour l’occasion par Fred WORMSER et Thierry TRELLUYER. Toujours absorbé par la préparation de son magazine d’information et par des travaux de restauration de films muets demandés par GAUMONT, Pierre PHILIPPE, passait nous voir, une ou deux heures, deux fois par semaine, afin de se tenir au courant de l’évolution des opérations et visionnait le travail achevé.

Voir les notes de restauration bobine par bobine de Jean-Louis Bompoint.

Toutes ces opérations effectuées, je pouvais considérer que le film était restauré dans son intégralité selon les souhaits de Jean VIGO.

L’expérience avait été troublante; à 29 ans et 56 ans plus tard, j’étais amené à remonter le film d’un garçon qui avait le même âge que moi et que je n’avais pas eu l’honneur (et sûrement la joie) de connaître.

Extrêmement troublé par ce curieux hasard, je demandais à GAUMONT de faire un « break » de 10 jours pour les vacances de Pâques, tant j’étais physiquement et moralement épuisé. Le fait de me retrouver seul la nuit, en plein hiver, dans les studios de Joinville, alors que tout le monde dormait, devant les rushes de l’Atalante, en entendant sur la bande son la voix de VIGO, vivant, toussant, pestant contre le retard ou ses comédiens, sa mort me semblait être une profonde injustice. Je me disais souvent que si FLEMING avait eu le bonheur d’inventer la pénicilline en 1934 plutôt qu’en 1935, Jean VIGO aurait réalisé tout un tas de films et restaurerait seul L’ATALANTE aujourd’hui. Entendre également les commentaires ou les rires de Boris KAUFMAN , Louis LEFEBVRE , et Jean DASTE , pour ne citer qu’eux, me troublèrent profondément. J’étais tellement plongé dans l’atmosphère du film que je ne savais plus si nous étions en 1934 ou en 1990 lorsque je traversais les ruelles du studio de Joinville , lieu intemporel si il en est…

Afin de regagner mon auto et rentrer chez moi. J’étais triste et frustré lorsque la fin d’une bobine de rushes me coupait l’aboiement d’un chien dans le lointain ou la parole de VIGO en train de converser avec ses comédiens et que le manque de pellicule tranchait à jamais la fin de la phrase qu’il avait commencé… Il m’arrivait même de pleurer bêtement en me disant que toutes ces voix étaient désormais enterrées par le passé et le triste sort de la fatalité, ou vieillies et déformées par les années lorsque j’eus la chance de rencontrer les « survivants » du film…

Plus grave encore, tout film qu’il m’était donné de voir était dans mon esprit mis en comparaison avec la perfection poétique de l’Atalante et perdait tout son intérêt à mes yeux.

J’atteins le seuil de la dépression lorsque je me dis que je ne pouvais plus créer de films étant donné que tout avait été dit avec VIGO. Il était temps que je prenne un sérieux recul face à tout cela.

Je partis donc pour New-York sur les conseils de plusieurs amis, afin de rencontrer mon Maître de musique: Lionel HAMPTON et tourner un court-métrage sur la musique de jazz que Claude COPIN avait eu l’amitié de me produire. Le voyage et le dépaysement furent merveilleux dans la mesure où c’était la première fois que je découvrais les États-Unis, mais l’Atalante me manquait viscéralement. De temps en temps, GAUMONT me téléphonait afin de retrouver telle ou telle bobine pour visionner en mon absence un élément demandé par Pierre PHILIPPE, qui, ayant été trop absent, ne savait plus comment les choses avançaient…

Il était temps de rentrer et mon premier geste en arrivant à Paris, fût de me rendre directement dans ma salle de montage, retrouver mes chères bobines.

C’est là que mes rapports avec Pierre PHILIPPE s’envenimèrent.

Trop absorbé par ses travaux extérieurs et la pièce de théâtre, dont il était l’auteur, qu’il présentait à Paris, visiblement accablé par des problèmes personnels dont je n’évaluais pas la teneur, il avait complètement quitté le navire et ne revint le rejoindre que pour achever, seul et fébrilement, le court-métrage de présentation, (dont il assurait l’écriture et la diction), devant servir de lever de rideau à notre restauration. Il me dit cependant qu’il fallait que « nous nous tenions la main » devant les journalistes et nos futurs interlocuteurs en déclarant que notre travail avait été une « collaboration commune de tous les instants ». Bien entendu j’acceptais de bonne grâce et jouais le jeu dès nos premières interviews.

La BBC vint nous rendre visite. Elle effectua par le biais de ses cameras et la complicité de David THOMPSON un compte rendu de notre travail. Déjà dans la presse Française, on laissait entendre que la nouvelle version de l’Atalante s’annonçait comme une réussite. Nous étions prêts pour le Festival de Cannes. Pierre PHILIPPE déclarait à qui voulait bien l’entendre qu’il ne serait pas présent sur la croisette…

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La « preview » eut lieu chez GAUMONT à Neuilly avec toute l’équipe de la restauration, des journalistes, Pierre MERLE, Charles GOLDBLATT, Luce VIGO, Emile BRETON, Pierre ETAIX et quelques invités triés sur le volet. Michel SCHMIDT, Gilles VEHNARD et Martine OFFROY étaient enchantés de la restauration. Ils nous félicitèrent chaleureusement et nous invitèrent à Cannes afin de fêter dignement l’événement en compagnie de Luce VIGO. Avant de partir et que Pierre PHILIPPE ne se décide au dernier moment de venir grossir les rangs sur la Côte d’Azur, il y eut une projection de presse à Neuilly.

C’est là et au cours de nombreuses interviews données à l’issue de la présentation que Pierre commença à faire cavalier seul en attribuant à son seul mérite la restauration complète de l’Atalante. S’étant attiré les faveurs diplomatiques de Gabrielle MAIRESSE, attachée de presse chez GAUMONT, Pierre PHILIPPE se débrouilla astucieusement pour m’évincer à chaque fois qu’un interlocuteur intéressant se proposait de nous rencontrer.

Les choses s’aggravèrent sur la croisette et mes rapports avec Pierre devenaient tellement orageux que je décidais intérieurement de rentrer à Paris sitôt le film présenté à Cannes, trop écoeuré par la situation.

Je dois avouer que j’ai énormément souffert de cette trahison doublée d’injustice, ayant toujours eu pour Pierre PHILIPPE un grand respect, voire une certaine admiration…

L’ATALANTE ACCOSTE À CANNES ET REPART VISITER LE GLOBE

La présentation eut lieu au Palais des Festivals dans des conditions de projection étonnantes de qualité.

La veille nous avions visité les lieux et rencontré les projectionnistes afin de régler de manière optimale l’image et le son dans la salle. Il y eut deux représentations ce 14 mai 1990, journée Mondiale du film restauré, sous le haut patronage de Martin SCORCESE et Isabella ROSSELINI.

A la fin de la première projection, Freddy BUACHE criait tout fort: « C’est une bonne copie de l’Atalante, mais ce n’est pas la meilleure… ». Malgré tout, ces deux projections furent couronnées d’applaudissements nourris et chaleureux.

Il y eut ensuite une conférence de presse/débat sur la restauration des films dans le monde et la remise du Prix Rossellini. Étaient présents Martin SCORCESE, Isabella ROSSELINI, Nicolas SEYDOUX et Jean ROUCH pour ne citer qu’eux. Ce fut une piteuse mascarade menée au désastre par Isabella ROSELLINI, plus préoccupée par son ego que par les films en voie de disparition. Seuls Jean ROUCH et Nicolas SEYDOUX sortirent le débat de la médiocrité avec la complicité de Michelle AUBERT en faisant remarquer à l’assistance que les propositions de restauration énoncées par ROSSELINI & SCORCESE étaient mises en pratique depuis bien longtemps en France ! Perdant du terrain, la belle Isabella coupa court au débat et fit une sortie remarquée au milieu des photographes qui s’en donnèrent à coeur joie.

Un dîner somptueux fut donné au CARLTON, (que Pierre PHILIPPE bouda en raison de ma présence), en compagnie de Luce VIGO et toute la direction de chez GAUMONT réunis à la même table. Le lendemain, je décidais d’écourter mon séjour et m’envolais pour Paris.

Ma mission était terminée.

Bientôt l’Atalante allait voguer dans les salles du monde entier pour le plus grand plaisir de tous les cinéphiles et du public le plus large. Cette restauration ne fut pas facile dans bien des domaines, mais seul le résultat compte. L’essentiel est de constater qu’à présent, l’oeuvre de Jean VIGO rétablie dans son intégralité, pourra séduire longtemps encore des générations de spectateurs.

J’ai été très honoré de participer à cette renaissance.

 » Heureuse vie à bord de L’ATALANTE ! « 

Paris, 8 septembre 1993 © JL.BOMPOINT


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Retrouvez la partie 3 abordant la seconde restauration de l’Atalante en 2001 en cliquant ici.


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